La Guinguette en Cavale est un collectif-association réunissant des individus et des collectifs engagés dans et pour le spectacle vivant. Ensemble, ils proposent des événements artistiques alliant musique, théâtre et jonglerie, mais leur particularité est ailleurs… En proposant des événements en lien avec des paysans et sur leurs terrains, c’est tout un art de vivre et de s’organiser qui s’expose et invite au questionnement. Démonstration agriculturelle, solidarités, et joies du bricolage envahissent les champs, y installent leur convivialité.
Parmi les membres de la Guinguette en Cavale on trouve des artistes clowns ou musiciens, des administratrices de compagnie, des monteurs de chapiteau, des saltimbanques qui vivent plus ou moins bien de leur métier. Mais tous en ont commun d’interroger leurs pratiques : le rôle de la culture et ses enjeux de classe, les modes d’organisation, les leviers et les freins au spectacle vivant, les manières d’investir la rue (en ville et en ruralité), les perspectives de réseau ou de mutualisation, les rapports aux publics et plus largement à la société, etc.
C’est animée de ce bouillonnement réflexif et inquiet de constater l’isolement ou le repli des professionnels du spectacle provoqués par (le début de) la crise Covid, que la Guinguette en Cavale décide d’organiser un week-end de réflexion pour 30 à 50 personnes. Evoluant tout proche d’associations d’éducation populaire, le collectif organisateur invitera rapidement le Kerfad à participer à la préparation de ce week-end.
Après quelques réunions pour élucider les objectifs du week-end et les questionnements incontournables des organisateurs, ceux-ci, accompagnés par le Kerfad, ont élaboré un programme. Pendant cette élaboration de programme, les questions de pédagogie sont venues remplacer les habituelles questions techniques et logistiques : quel rythme pour la journée, quel mode d’inscription, quelle type d’animation, intervenant ou support… ? Nous obligeant parfois à faire preuve d’imagination, comme ce fut le cas lorsque l’idée émerge d’aller chercher les récits d’éducateurs de rue pour aller interroger les manières d’entrer en relation avec les publics. Nous obligeant parfois à nous rendre à des évidences que l’on ne voulait pas voir, comme ce fut le cas lorsque qu’une membre organisatrice s’est résignée à intervenir elle-même sur des aspects juridiques, réalisant qu’il n’y avait pas beaucoup de personnes plus compétentes dans les environs.
Dans le rush de la dernière ligne droite, il n’est pas rare que chacun retourne à sa spécialité ; parce qu’indispensable, parce que plus confortable ? La préparation de ce week-end de réflexion n’aura pas fait exception. Alors que le collectif Guinguette en Cavale s’activait à organiser la cuisine, à redoubler la communication, à suivre les inscriptions, à s’approprier les lieux des rencontres, le Kerfad prenait au pied levé les dernières décisions portant sur le programme et l’animation des différents temps. Nous nous découvrons non seulement accompagnant du collectif organisateur mais aussi impliqués « jusqu’au cou » dans le déroulement du week-end. Et pourquoi pas, après tout la réalisation de ce week-end nous tenait aussi à cœur pour de multiples raisons !
Nous vivons ce week-end avec les organisateurs et les participants. La mise au travail est fulgurante, les rencontres s’étalent aux repas et à l’apéro, le mélange de manières de faire Guinguette-Kerfad détonne. Les réflexions se poursuivent le soir sur les tables de camping du Centre le Frémur à Lancieux, tandis qu’une boom essaye timidement de faire remuer les corps dans la salle principale.
Quelques jours plus tard, le week-end est terminé. Il ne fut sans doute pas parfait mais il a existé à une période ou les événements existent surtout sur le papier. Il fut riche intellectuellement, pratiquement et humainement ; sentiment d’avoir été traversés par une vague de joie, quelque part entre le réconfort, la confiance et l’espoir ; sentiment de s’être trouvé des complices, des pairs, des curieux à quelques encablures de chez soi qui restera la marque de ce week-end. Il est maintenant temps pour la Guinguette et le Kerfad de faire leur(s) bilan(s). Bilan du week-end pour les uns, bilan d’un accompagnement pour les autres ?