Découverte de l’entraînement mental à la Cimade

La Cimade est une association œuvrant en France pour l’accès et le respect des droits des personnes étrangères et/ou exilées. Porteuse d’une histoire de résistance de 80 ans, la Cimade se donne pour missions l’accompagnement de migrants en situations de mal-logement, de violence ou d’enfermement, la construction de solidarités internationales, la veille des politiques migratoires et l’information du public.

À la demande de plusieurs salariées, la Cimade organise une session de découverte de l’entraînement mental, faisant appel au Kerfad. Après plusieurs reports dus au Covid, le stage peut enfin avoir lieu. Il se déroule en octobre 2021 auprès de 13 salarié.e.s de l’association, il est animé conjointement par un membre du Kerfad et un membre du groupe Passeurs.

Sans chercher à revenir dans le détail sur cette semaine, ni à « évaluer » la formation, il fut important pour le Kerfad de revenir sur certaines difficultés rencontrées sur ce stage a priori ordinaire, trop peut-être. Dès l’amont de la formation, les échanges entre le Kerfad et la Cimade sont cordiaux, la confiance au rendez-vous, tout a l’air de « rouler comme sur des roulettes ». Ce sentiment suffit-il à se passer d’entretiens individuels préalables à a formation ?

Certaines stagiaires suivaient une autre formation, également organisée par la Cimade, quelques semaines plus tôt. Nous comprenons d’une part que les formations, en plus de susciter l’intérêt des salarié.e.s, sont une des manières qu’ils et elles ont trouvé de se rassembler autrement que par régions (et ces regroupements manquent après 1 an et demi de Covid). D’autre part, la formation est quelque chose de « normal » et « régulier » à la Cimade, certaines personnes ont l’habitude de certains rituels en formation, ont des attentes sur la forme.

Le stage ce déroule sur les horaires habituels de travail, dans des locaux de la Cimade (au siège) où plusieurs des stagiaires travaillent quotidiennement. Même si la venue au « nouveau » siège est une première pour certain.e.s, l’environnement de la formation est clairement estampillé Cimade : affichage, collègues dans les couloirs ou à la machine à café, réunion des représentants du personnel, etc. Alors que le stage entraînement mental est une invitation à faire un pas de côté pour regarder ses manières de penser, parler, faire, le contexte de la formation lui invite au contraire à s’installer confortablement dans ses habitudes.

Ce phénomène est décuplé par l’apparente (illusoire) homogénéité du groupe de stagiaires : tou.te.s membres de la Cimade, salarié.e.s, avec un grand nombre d’interconnaissances voire de relations régulières de travail, une grande majorité de femmes. En apparence seulement car d’une région à une autre, d’une mission à une autre, d’un poste à un autre, la culture « cimadienne » s’avèrent plurielles. En apparence seulement, car les personnes ne sont pas réductibles à leur travail, car les trajectoires biographiques en disent autant sinon plus sur les manières d’être et de faire que la culture professionnelle. En apparence seulement, car pudeurs, prudences et implicites d’un monde de travail viennent feutrer les échanges, gommer les singularités, arrondir les angles divergents et les avis tranchés.

Difficile de dire pour les formateurs l’effet que cette session entraînement mental aura eu sur les stagiaires (et encore moins ce qu’il en reste aujourd’hui). Était-ce une pause, un temps travail « au ralenti » puisqu’il fallait ralentir la pensée ? Était-ce la fosse aux lions, le nid de guêpes, le terrier ? Était-ce un espace-temps bien à soi, pour prendre des billes, prendre confiance, s’entraîner à penser de façon autonome ? Était-ce encore l’occasion d’une mise au point, d’une analyse des pratiques collectives ? Ou était-ce l’expérience douloureuse des ornières du quotidien desquelles on peine à sortir ?

Ce que nous savons en revanche c’est que cette expérience redouble notre volonté de créer des espaces de formation mixtes (mixité d’associations, mixité de statuts des personnes, mixité de genre et sociale, etc.), de proposer des espaces de formation en rupture, en décalage avec la vie quotidienne, de notamment favoriser les stages en internat, loin des lieux et des rythmes habituels de travail.